Cette période de confinement suscite en nous un grand nombre de sensations et d’émotions auxquelles nous ne sommes peut-être pas habitués.

Or, nous traversons une situation « anormale », potentiellement angoissante, voire traumatique, qui nous amène à réagir d’une façon qui peut nous paraître anormale, bizarre, différente de nos habitudes.

Éprouver de l’anxiété est quelque chose de normal et sain quand cette anxiété est présente dans la vie de chacun de façon tout à fait modérée, adéquate, adaptative à une situation de stress anticipé et dans certains contextes.

L’anxiété contribue alors à l’adaptation, nous incite à trouver des solutions, et est source d’action et de changement.

A partir de quand doit-on s’inquiéter ?

Si, avec le temps, nous n’arrivons plus à gérer nos affects, à diminuer les sensations d’anxiété à certains moments, si cette anxiété affecte nos comportements, nos affects, nos pensées et nos sensations physiques à tous les instants, si nous sommes inhibés dans nos comportements, alors, il vaut mieux consulter son médecin ou son psychologue ; c’est, peut-être, que nous souffrons de « trouble anxieux » ; dans ce cas, l’anxiété altère notre fonctionnement dans la plupart des sphères de notre existence (familiale, professionnelle, sociale, sexuelle).

Quelles sont les différences entre la peur, l’anxiété et l’angoisse ?

1/ La peur :

La peur est un mot qui vient du latin (pavor) qui veut aussi dire crainte ou effroi ; sa caractéristique principale est qu’elle a un « objet » ; on a peur de quelque chose.

Nous pouvons comparer nos émotions en général à la palette d’un peintre, qui peut contenir les couleurs les plus clairs aux couleurs les plus vives, criardes, intenses.

Il en est de même pour la peur : elle peut être faible ou intense.

Aujourd’hui, une partie de nous a raison d’avoir peur de ce virus.

Dans tous les cas, on parlera de peur pour nommer cette émotion utile, normale, liée au présent, qui nous signale un danger réel et qui nous permet de nous protéger et de nous sécuriser en adoptant des comportements adéquats.

Souvent ces comportements font partie des 3 F : freeze, fight, flight : le figement du bien souvent à la sidération (comme les animaux qui font le mort devant un prédateur), l’attaque, ou la fuite, l’évitement du danger. Mais il y a une spécificité humaine dans la gestion de la peur : la peur est cette énergie qui nous pousse à prendre des informations, à rendre connu ce qui n’est pas connu (ex : le plan d’une nouvelle ville).

Dans la situation actuelle liée à l’apparition du Coronavirus, nous voyons combien les médias nous assaillent d’informations. Si nous avons besoin d’informations claires, avérées, contrôlées, être bombardés d’informations pendant toute la journée ne nous aide pas. Cela peut alimenter au contraire en nous de l’anxiété.

2/ L’anxiété :

En latin « anxietas », inquiétude, souci, en anglais « anxiety » et en allemand « angst », le même mot pour dire « anxiété » ou « angoisse ».

L’anxiété est une émotion humaine courante, normale, utile à condition de rester modérée.

Elle est liée à un évènement du futur, identifié, et elle est alors ressentie de façon ponctuelle (quelques semaines avant un examen, un challenge à relever, …). Dans ce cas-là, l’anxiété joue le rôle d’un « driver » comme la faim, la soif, le besoin sexuel.

Un peu d’anxiété normale contribue à une bonne adaptation aux évènements de la vie, incite les individus à trouver des solutions et est source d’actions et de changements.

Pathologique (cf. Edward Munch « l’anxiété » et « le cri »), l’anxiété apparaît sans objet précisément identifié , comme un état émotionnel pénible, vague, déplaisant, une appréhension, une anticipation d’un danger potentiel non identifié clairement.

Pour certains scientifiques, elle est le résultat d’un conditionnement et renvoie à un réflexe conditionné, pour d’autres, elle est issue de conflits intrapsychiques personnels. On dira alors que l’anxiété est la manifestation d’un conflit inconscient, d’une maladie, d’une crainte ou d’un évènement psychologiquement troublant qui s’est produit dans l’enfance.

Il y aurait prédisposition à l’anxiété chez certaines personnes en fonction du milieu familial et de la façon dont elles ont appris à faire face aux évènements de la vie.

Une anxiété persistante nous mène à une inhibition de l’action qui peut mener à des états pathologiques ET à une augmentation du taux des glucocorticoïdes (cortisol), dont l’effet, quand il y en a trop, est néfaste sur le système immunitaire.

Dans ces cas là, le fait de parler à quelqu’un, de mettre des mots sur ce que l’on ressent, aide à diminuer l’intensité de l’anxiété.

Celle-ci apparaît en effet aussi quand plusieurs émotions inconscientes nous habitent : de la peu, de la colère, de la tristesse, sans qu’on en ait conscience et sans que l’on puisse vraiment en faire quelque chose de positif.

L’anxiété devient un état émotionnel « parasite », qui prend la place d’émotions authentiques dont on n’a pas conscience ou dont on ne sait pas quoi faire.

3/ L’angoisse :

L’angoisse est une forme d’anxiété poussée à l’extrême ; elle se caractérise par

  • Des sensations d’extrême malaise profond et généralisé
  • Des somatisations neurovégétatives, des manifestations somatiques intenses et remarquables ; bouche sèche, palpitations cardiaques, tremblements, sueurs, sensations d’« étau », d’oppression, … pouvant aller jusqu’à des sensations de mort imminente.

L’angoisse est liée au futur et elle n’a pas non plus d’objet actuel, clairement identifié.

Elle survient souvent sous forme de crises : on parle alors de crises d’angoisse.

Il est important de vérifier qu’il n’y ait pas de lésions organiques avant de parler d’angoisse.

Le terme latin « angere » signifie serrer. Il évoque le symptôme de serrement souvent évoqué dans la fameuse boule d’angoisse dans le fond de la gorge du sujet anxieux ou angoissé.

Il existe beaucoup de types d’angoisse différentes :

  • L’angoisse de séparation
  • L’angoisse de castration
  • L’angoisse de la naissance

Parfois, l’angoisse est là pour nous signaler que la vie que l’on s’est choisi ne nous convient plus. Soit qu’elle ne correspond pas à nos valeurs, soit qu’elle ne nous permet pas de satisfaire nos besoins.

Dans ces situations, la psychothérapie permet d’augmenter notre niveau de conscience, de sortir de nos scénarios et de retrouver (ou trouver) une saine autonomie.

Que peut-on faire pour gérer au mieux la crise que nous traversons ?

  • Une des premières choses que l’on peut faire, est sans doute de prendre conscience des émotions qui nous habitent, de les accepter, de savoir que face à une situation aussi anormale, il est normal de vivre des émotions avec lesquelles on n’est pas forcément habitués.
  • Prendre du temps pour soi, à travers les promenades, les temps de méditation, de yoga, de détente, et vérifier pendant ces moments-là si ce que nous ressentons n’est pas en lien avec des évènements antérieurs que nous aurions besoin de traiter, de travailler.
  • Limiter la source d’informations potentiellement angoissantes.
  • Organiser son temps, planifier, structurer ses journées ; le vide dans lequel certains sont laissés à eux-mêmes, cette absence de contrainte peut aussi parfois être vécu comme angoissant.
  • Rester en lien, ne pas s’isoler et ne pas hésiter à demander de l’aide. Nous avons la chance de vivre à une époque où les réseaux sociaux nous permettent de communiquer, de rester en lien. Les téléconsultations existent et permettent de faire un réel travail d’apaisement et de régulation émotionnelle.

Pourquoi des téléconsultations ?

Si vous sentez que cette période est particulièrement difficile pour vous, si vous êtes très isolés, en difficultés de ne pas retomber dans de vieux mécanismes négatifs pour vous, ou si vous connaissez quelqu’un qui vit cela, n’hésitez pas à contacter les membres du centre thérapeutique de Luttre.

Les professionnels du centre poursuivent en effet leurs consultations par l’intermédiaire de plateforme de communication simples et faciles à utiliser.

La commission belge des psychologues le recommande, sachant qu’ « il vaut mieux prévenir que guérir » : plus tôt vous intervenez sur vos symptômes d’anxiété, moins ils risquent de s’installer en vous, de se chroniciser et d’envahir différents champs de votre vie.


Image par Soojeong LEE de Pixabay


Sophie Debauche

Psychologue Clinicienne, Psychothérapeute, Formatrice et Superviseur - Responsable du Centre Thérapeutique de Luttre - Téléphone: 0476.50.19.66