Les liens entre les adolescents et la santé aussi bien au niveau du tabac qu’au niveau de l’alimentation sont des thèmes de recherche particulièrement intéressants mais restent encore actuellement peu investigués.

Cette enquête avait pour objectif d’étudier le lien éventuel entre le tabac et la consommation d’une « mal bouffe » et ce, au travers d’une enquête réalisée auprès de jeunes adolescents de 15 à 17 ans au sein d’une école secondaire. Cette enquête s’est intéressée aux types d’alimentations et de boissons consommées, au le lieu de consommation et au degré d’activité physique de chacun.

Nous sommes conscient que le tabagisme chez les jeunes est un problème majeur quand on sait que c’est le moment le plus critique et fragile dans une vie pour devenir un fumeur régulier.
En effet, l’insouciance des uns et l’envie de « faire pareil » des autres font de ces jeunes des cibles faciles. En plus de cette fragilité au niveau du tabagisme, les jeunes sont également soumis à une autre tentation qu’est le phénomène de la « mal bouffe ».

Il m’a été donné par ma profession d’enseignante la possibilité d’observer le comportement des adolescents à plusieurs reprises et force est de constater que les jeunes fumeurs vont se restaurer à l’extérieur de l’école durant les temps de midi, ne consommant malheureusement pas les repas les plus équilibrés. L’école est un terrain d’expérimentation idéal pour observer les divers comportements des jeunes. Mes formations en diététique et tabacologie me permettent de croiser les savoirs afin d’établir une réalité basée sur les faits et les habitudes de consommations.

La politique de l’école autorise les jeunes de 4e année secondaire à sortir de l’enceinte de l’école de façon libre. Aux abords des écoles, il n’est pas rare de voir fleurir des snacks, des friteries, des sandwicheries, … rapides, faciles et bien souvent peu chers (ou presque !). Pourtant, tous ces mets proposés sont très gras et souvent riches en sucres s’ils sont accompagnés de boissons sucrées. Toutes ces conditions réunies tentent les jeunes à consommer ces genres d’aliments, cette « mal bouffe ». Cette tranche d’âge est également le plus souvent celle de l’initiation au tabagisme.

Peut-on dès lors se demander si le statut tabagique est lié à la « mal bouffe » des adolescents âgés entre 15 et 17 ans ?

Est-ce que cette population d’adolescents en plus d’être fragile au tabagisme serait la victime la plus touchée de l’industrie de la « mal bouffe » ?

Pour cette étude, une enquête a été réalisée auprès d’adolescents âgés de 15 à 17 ans (c’est-à-dire toutes les quatrièmes secondaires techniques et professionnelles), scolarisés dans une école secondaire mixte de Gosselies. Cette enquête se basait sur un questionnaire spécifiquement élaboré sous format papier. Les questionnaires ont été distribués en classe sous ma supervision et chaque élève a répondu au questionnaire à ce moment.

Dans cette enquête étaient repris des éléments comme :

  • Les caractéristiques de l’élève : sexe, âge, poids et taille
  • Une série de questions afin de déterminer leur statut tabagique :
    Fumeur occasionnel, régulier ou non-fumeur
  • Une série de questions afin de déterminer leurs habitudes de consommation alimentaires (aliments et boissons) :
    Il en a été de même pour les résultats visant les boissons consommées.
  • Une série de questions concernant la pratique d’une activité physique extra- scolaire (dans cette partie, seule la pratique des activités physiques sportives extra- scolaires ont été prises en compte dans l’étude).

L’étude a permis de mettre en évidence que 26% des non-fumeurs ne mangent pas équilibré contre 51% des fumeurs. On compte donc 26% en plus dans la catégorie des fumeurs à avoir une alimentation déséquilibrée. Dès lors, en supposant que la marge d’erreur admise est de 17%, on peut affirmer que la proportion d’élève ayant une alimentation déséquilibrée est plus importante chez les fumeurs que chez les non-fumeurs.

Concernant les boissons, nous constatons le même schéma, mais dans ce cas de figure, la différence entre les 2 proportions sont trop minimes pour que l’on puisse affirmer que les fumeurs boivent de façon plus déséquilibrée par rapport aux non-fumeurs.

Nous avons également étudié si cette différence pouvait s’expliquer par les habitudes concernant le lieu des repas.
La différence se situe entre les fumeurs et les non- fumeurs qui sortent sur le temps de midi. En effet, 22% des non-fumeurs contre 62% des fumeurs sortent parfois pour dîner contre 33% des non- fumeurs et 58% des fumeurs qui sortent exclusivement pour dîner. Ces élèves ont tous une alimentation déséquilibrée. Le fait de sortir ou non de l’école n’explique pas la différence d’alimentation équilibrée ou non, entre les fumeurs et les non- fumeurs.

L’étude  MONICA (1992) a mis en évidence que les fumeurs consommaient moins de fruits et légumes, moins de fibres et moins de produits laitiers. En revanche, les fumeurs consomment davantage des produits carnés, de fritures, de café, d’alcool, de produits en sauces et des produits riches en sel. La raison d’une consommation riche en sel et en graisses (qui sont des exhausteurs de gout), pourrait résider dans l’altération olfactive que subit le fumeur.

Concernant les boissons consommées lors du temps de midi, la consommation de soda sucré est plus élevée chez les fumeurs que chez les non- fumeurs (34% des fumeurs en consomment plus de 3x sur la semaine comparés à 22% de non- fumeurs). Les boissons énergétiques ont également plus de succès chez les fumeurs que chez les non- fumeurs : 56% des fumeurs consomment de façon régulière ou ponctuelle des boissons énergétiques contre 23% des non- fumeurs. La consommation de jus de fruits est assez identique chez les fumeurs et les non- fumeurs. Moins d’1 élève sur 2 en consomme sur le temps de midi.

De manière générale, les non- fumeurs boivent plus d’eau que les fumeurs, bien que la différence soit faiblement significative. On s’aperçoit ainsi que les fumeurs ont une consommation plus élevée en boissons sucrées comparée aux non-fumeurs. Les non-fumeurs ont quant à eux une consommation de boissons majoritairement équilibrée voir mi- équilibrée (c’est-à-dire variant eaux et quelques boissons sucrées par semaine).

La littérature met en évidence que les fumeurs ont une attirance plus marquée pour les produits sucrés et gras. Ce phénomène est probablement dû à une diminution de la perception du goût des fumeurs. Ces boissons sont le plus souvent achetées sur place avec le repas et la publicité joue un rôle dans le choix de celles-ci. Il faut avouer que rien n’est mis en place pour favoriser une alimentation équilibrée des jeunes : l’école propose des machines à sodas et à jus de fruits sucrés et le choix des boissons sucrées est bien supérieur au choix de boissons tel que l’eau et les commerces font des promotions quotidiennes « boissons gratuites » afin d’appâter les clients. Au vu de ces éléments, il est difficile pour nos jeunes de ne pas se laisser « tenter ».

En ce qui concerne l’activité physique et contrairement aux enquêtes norvégiennes réalisées précédemment (2002)  auprès des adolescents, cette enquête ne permet pas de mettre en évidence que les jeunes fumeurs abandonnent la pratique d’une activité physique. Par contre, malgré la non-évidence de ces résultats, il est décevant d’observer que pour quasi 1 jeune sur 2 (45% des jeunes) la pratique d’une activité physique ne fait pas partie des habitudes de vie.

En conclusion : Nos jeunes sont souvent soumis à la tentation, aussi bien au niveau du tabac qu’au niveau de l’alimentation. Cette enquête a permis de mettre en évidence que les adolescents fumeurs ont une alimentation plus déséquilibré que les non-fumeurs. Ils ont une consommation supérieure en sandwichs, produits frits, plats italiens et autres produits sucrés. Bien que les adolescents fumeurs aient une alimentation déséquilibrée, notons que leur IMC reste dans les normes.

Les boissons jouent également un rôle important dans l’équilibre alimentaire. En effet, elles apportent un nombre élevé de sucres simples néfastes pour la santé si consommés de façon régulière. L’enquête permet de constater que les fumeurs sont des consommateurs réguliers de ce genre de boissons.

Il est à souligner que le lieu de la prise alimentaire ne serait pas la cause d’une alimentation déséquilibrée.

En ce qui concerne l’activité sportive de nos jeunes, cette enquête ne permet pas d’établir que les jeunes adolescents fumeurs pratiquent moins d’activité physique que les non-fumeurs.

Article et enquête réalisée par Catherine Van Calster, diététicienne et tabacologue


Catherine Van Calster

Diététicienne - Téléphone: 0494.35.00.65